L'importance du détail
Comme avant d’entrer en scène, Patrick Tourre fume une dernière cigarette sur les bords de la D906 à Olliergues. En effet, devant son atelier l’Île aux crayons dans lequel le géant hirsute se prépare à tenir en haleine la vingtaine de spectateurs-visiteurs, l’artisan a le (bon) mot facile. Il arbore un sourire chaleureux derrière un masque chirurgical (Covid-19 oblige).
Une fois de plus, comme chaque année et plusieurs fois par jour, l’Ollierguois s’apprête à faire le show.
Pendant une heure, dans un mélange savant de bonhomie, d’humour et de pédagogie, Patrick Tourre présente en effet son activité. Dans laquelle il s’est lancé depuis plus de vingt ans. L’homme s’est installé à Olliergues au début des années 2000. Il y conçoit et façonne des crayons singuliers aux formes brutes. Ils ont la forme des branches d’arbre qu’il utilise.
« Mon travail consiste ainsi à fabriquer des crayons majoritairement dans du saule ou de l’osier », résume-t-il en préambule de sa longue démonstration. Dans la fraîcheur d’un atelier à son image : posters de Nougaro, des Rita Mitsouko aux murs, tapis anciens jonchés de copeaux de bois sur lesquels des bancs d’écoliers ont été alignés, sans oublier les effluves de bois des granges d’antan.
« Je suis un mec assez bordélique », concède un Patrick Tourre tout à fait conscient de l’importance du visuel. « Je ne voulais pas d’un intérieur à la “Mode et travaux”. Ici, chaque détail a son importance et je veux que les gens puissent ainsi se fixer sur un des objets. Certains sont volontairement camouflés. Il faut faire un effort pour être émerveillé. » Installé derrière son tour face au public, l’artisan poursuit ses explications.
« Je vais chercher mes bois dans la nature alentour, explique-t-il. Je découpe des petits morceaux de 22 centimètres. Avec une mèche à bois je perce d’un côté et de l’autre pour y introduire deux mines, une dans chaque orifice. »
Vient ensuite la pratique. Penché sur son tour, l’artisan au nom prédestiné, effectue devant l’assistance le geste reproduit à l’infini ou presque. Chaque année, Patrick Tourre produit ainsi jusqu’à 6.000 crayons par an et à la main.
Devant un public conquis qu’il n’hésite pas à questionner ou provoquer en douceur dans un tutoiement de rigueur, l’homme digresse sur l’essence des arbres, leur couleur.
« Cet arbre est noir mais lorsqu’il est encore vert, il est rouge », ou encore l’aspirine. Sans oublier de tourner autour du pot… de crayons.
Preuve à l’appui, on apprend donc que la mine ne se casse pas quand le crayon tombe.
« Elle se casse quand on le taille », assure-t-il. Comment aussi tailler correctement l’objet : « Il faut tourner le taille-crayon et non le crayon. »